Chili - Mapuche - Une justice sujette à caution - Alberto Espinoza Pino, avocat.

Publié le par Collectif Mapuche

Après trois mois de jugement oral, avec des déclarations de témoins secrets, des personnes ivres et des sourds présentés comme témoins "sonores", des analphabètes signant des déclarations écrites, des magistrats et des policiers victimes témoignant en tant d'enquêteurs, la cour pénale de Canete est convaincu que les dirigeants de la coordination Arauco Malleco sont coupables du délit de vol avec intimidation sur l'ex agent de la dictature, accusé de torture et usurpateur des terres Mapuche, Jose Santos Jorquera, et en même temps, les quatre accusés sont tenus pour coupables dudit attentat au juge Elgueta. Cependant, par une simple et discutable majorité de voix, deux contre une, la juge Paola Schisano Pérez fut d'avis de les acquitter.


Aucun de ces délits n'a été qualifié de terroriste par les juges, et treize partisans Mapuche jugés également par le tribunal de Canete ont vu retirées les charges de délit terroriste, contenues dans l'accusation du ministère public. Tous sans exception, condamnés et acquittés, furent poursuivis en vertu de l'application de la procédure établie par la loi anti-terroriste. Ce qui au niveau du procès se manifesta par le secret sur les enregistrements des enquêtes, par la remise partielle et désordonnée des casiers judiciaires (antécédents) de la part des magistrats aux avocats, et par des peines de prison préventives prolongées par mesure de précaution, dans la majorité des cas depuis l'arrestation jusqu'au jugement.
Douze partisans affrontèrent le jugement comme si ils étaient coupables. La mjorité d'entre eux subit l'interception de leurs communications, une technique dont les autorités ont usé et abusé, tous se virent confisqué des objets personnels qui firent l'objet d'expertises douteuses, leurs domiciles furent forcés, avec un grand déploiement de forces policières, hélicoptères, voitures blindées, et une infanterie présente en grand nombre, violations de domiciles massives réalisées dans les diverses communautés Mapuche qui affectèrent les enfants, les femmes et les personnes agées.


Le traitement qu'ont subi les partisans Mapuche fut un traitement réservé aux ennemis en temps de guerre, cela sous couvert de la loi anti-terroriste.
Le comble pour eux, face au regard indifférent, insensible et défaillant du pouvoir juridictionnel, du Juge des Garanties, qui chaque fois qu'il dut se prononcer au sujet des droits des accusés, pour éviter ou mettre fin à la prison préventive, pour que l'on reconnaisse la présomption d'innocence, pour qu'ils ne soient pas traités comme des coupables, pour leur assurer un procès équitable, ces juges ainsi que les ministres de la cour suprême, simplement, renoncèrent à leur devoir de précaution.
Ils fermèrent les yeux face au pouvoir du ministère public, furent alliés des procureurs, n'opposèrent aucune résistance face à leurs agissements abusifs et n'ont jamais remis en question l'application de la loi anti-terroriste. Ils ont abandonné l'essence même de la justice, laissant les accusés dans le plus grand désarroi.


Il a suffi d'une simple application de la loi anti-terroriste pour donner carte blanche au procureur durant l'enquête, dans la négation absolue des droits des accusés.
La seule application de cette loi se transforma durant leur détention préventive en une vérité incontestable,  et elle est devenue pour tous les juges la valeur de la chose jugée qu’on assigne aux résolutions judiciaires, oubliant que le ministère public n'exerce pas de fonctions juridictionnelles.


Une procédure engagée sous couvert de la loi anti-terroriste est une procédure viciée, incapable de produire, dans le cadre d'un procès équitable, une conviction condamnatoire, pas même pour délit de droit commun, L’honorable vote de la minorité signale expressément dans le verdict "que la preuve incorporée ne réunit pas les standards suffisants pour accréditer la thèse de la participation des accusés".
A l'heure de la sentence, nous devons exiger des juges l'application de la convention 169 sur les peuples indigènes qui établit que "au moment d'appliquer des sanctions envers les membres des peuples indigènes, on se doit de prendre en considération les caractéristiques économiques, sociales et culturelles, et devront être privilégiées les sanctions qui ne les privent pas de leurs libertés (Art.10)."


L'application de la convention 169 est un impératif éthique et juridique, dont l'inapplication compromet l'Etat du Chili dans le contexte international des droits de l'homme.


La liberté doit être rendue aux partisans Mapuche qui sont encore incarcérés. La convention 169 concerne tous les pouvoirs.


Si le pouvoir juridictionnel renonce à l'application de cette convention, la responsabilité retombera sur le pouvoir exécutif et législatif, qui devront adopter les mesures administratives ou législatives conduisant à réparer ce que le pouvoir juridictionnel n'a pas su résoudre.
 
Santiago, le 11 Mars 2011.

Publié dans Actualités

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