Communiqué de solidarité avec les 4 condamnés Mapuche de Cañete en grève de la faim depuis le 15 mars 2011 :

Publié le par Collectif Mapuche

Héctor Llaitul Carillanca, Ramón Llanquileo Pilquimán,

José Santiago Huenuche Reimán, Jonathan Sady Huillical Méndez

 

Dans la petite ville de Cañete, VIIIe région du Chili, à quelque 650 kilomètres au sud de Santiago, entre novembre 2010 et février 2011, 17 prisonniers politiques Mapuche ont été l’objet d’un procès au cours duquel ils ont été poursuivis pour une série de délits affectant la propriété privée, une  supposée « attaque » contre un procureur de la République chilienne. Ils ont été également accusés de former une organisation terroriste. Leur procès a été instruit en faisant usage de la loi antiterroriste, héritage de la dictature militaire de Pinochet, ce qui a considérablement réduit leur droit à la défense et in fine les a privés d’un procès équitable.

Finalement, sur les 17 accusés, seuls 4 d’entre eux ont été condamnés sur la base d’accusations de « témoins secrets » dont l’identité a été occultée aux avocats de la défense, entachant leurs témoignages de partialité. Les 4 Mapuche condamnés se revendiquent ouvertement comme militants de la lutte pour l’autonomie du peuple Mapuche et sont membres de la CAM (Coordinadora Arauco Malleco). Si, certes, 13 des 17 accusés ont été acquittés, ces derniers auront toutefois passé près de deux ans en détention préventive, sans avoir été jugés par aucun tribunal.

Considérant que les 17 Mapuche étaient incriminés pour les mêmes chefs d’accusation et que les preuves de leur participation n’étaient pas plus avérées, les 4 condamnations, très lourdes, qui ont été prononcées, laissent perplexes. En effet, les 4 militants Mapuche ont été condamnés à des peines de 20 à 25 ans de prison sans pour autant qu’il y ait eu crime de sang. 

Outre ce procès, nous avons assisté au Chili, depuis une dizaine d’années, à la criminalisation systématique, tout au moins à la « judiciarisation », des revendications sociales et politiques Mapuche. Des actions visant à défendre le territoire ancestral du Peuple Nation Mapuche contre une marchandisation à marche forcée (industries forestières, barrages hydroélectriques, exploitations minières, etc.) ont été assimilées à du terrorisme. 

Ainsi, depuis la fin de la dictature militaire et le « retour à la démocratie », ce sont plus de 500 Mapuche qui ont été déférés devant des tribunaux pour des faits de protestation sociale et politique. Dans l’écrasante majorité des cas, les tribunaux ont prononcé leur acquittement, ce qui n’a pas empêché que nombre d’entre eux, hommes, femmes et enfants, passent plusieurs mois, voire plusieurs années, en détention préventive.

En d’autres termes, l’État chilien a choisi de répondre aux légitimes revendications du peuple Nation Mapuche en faisant un usage excessif du droit pénal pour répondre à des faits de protestation sociale et politique. Ces faits se caractérisent par leur non-violence, puisque les diverses expressions de la lutte Mapuche, ces 20 dernières années, n’ont causé aucune victime.

Les 4 condamnés du procès de Cañete ont entamé, il y a 80 jours, une grève de la faim afin d’exiger un procès équitable. Aujourd’hui, ils sont tous hospitalisés en raison de la dégradation de leur état de santé. Parallèlement à cette grève, leurs avocats ont déposé auprès de la Cour Suprême chilienne une demande d’annulation de leur procès. Ils demandent un nouveau procès, sans application de la loi antiterroriste, au cours duquel ils pourraient exercer leur légitime droit à la défense.

Face à cette réalité et à ces revendications, nous tenons à affirmer notre solidarité vis-à-vis de ces quatre militants Mapuche, en nous associant à leurs justes revendications :
- Annulation par la Cour Suprême du jugement du tribunal de Cañete
- Libération immédiate de tous les prisonniers politiques Mapuche
Enfin, de manière plus générale, nous tenons à condamner la répression dont sont victimes les militants Mapuche en lutte pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux, culturels, sociaux et politiques, autant de droits reconnus par une série d’organismes internationaux, ainsi que par la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail dont l’Etat chilien est signataire depuis septembre 2009.

Le 3 Juin dernier, la Cour Suprême chilienne a refusé la demande d’annulation du procès de Cañete. Elle n’a pas remis en cause la « forme juridique» (usage de la loi anti-terroriste) de ce procès et a seulement décidé de réduire la peine des quatre militants mapuche condamnés en première instance par le tribunal oral de Cañete. Par cette décision, elle a implicitement validé l’usage de la loi anti-terroriste par le Ministère public dans les procédures pénales. Cette loi pourra être utilisée en toute liberté lors des procès (tribunal de Victoria et Temuco) à venir dans lesquels sont accusés des militants Mapuche.


Pour nous, le verdict de la Cour Suprême entre en contradiction avec l’acquittement prononcé par la Cour Martiale de Valdivia, puis la Cour d’Appel de Concepción, qui ont toutes deux estimé les preuves apportées comme insuffisantes.
Suite à cette décision injuste, les 4 prisonniers Mapuche ont décidé de poursuivre leur grève de la faim, commencée il y a 86 jours. Aujourd’hui, ils sont en danger de mort.
Nous faisons donc appel à la solidarité internationale pour exprimer la colère et l’indignation de tous face à cette parodie de justice et intervenir au plus haut niveau afin d’éviter une issue fatale à cette grève, qui voit 4 prisonniers Mapuche mettre leur vie en jeu pour faire abroger la loi antiterroriste héritée de la dictature du général Pinochet et exiger le droit à un procès équitable.


                  Paris, juin 2011


Partis, organisations, syndicats et associations signataires (dans l’ordre d’arrivée des signatures)
NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste)
Collectif de Soutien au Peuple Mapuche/France (CECT/France, AFAENAC,
Association « Pueblo Mapuche », Association Ingalañ bro an Alre/Bretagne)
Association franco chilienne Cordillera (Villeneuve d’Ascq – France)
Association Nuevo Concepto Latino
Association Terre et Liberté pour Arauco
Collectif pour les Droits de l’Homme au Chili – Paris
Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA – Nitassinan)
Fondation France Libertés – Danielle Mitterrand
MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples)
Association d’Ex-Prisonniers Politiques chiliens-France
France Amérique Latine (FAL)
ICRA International (Défense des Peuples Autochtones)
Commission Justice du PCF
PCF (Parti Communiste Français)
           
       Contact: barbutmichael@gmail.com

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